De toute façon, ça sert à rien, j'ai toujours faux.
J’écris au crayon car comme ça je peux effacer après ce qui est faux.
Je veux pas laisser des ratures sur mon cahier.
J’écris pas car de toute façon je vois bien que ça va être faux.
Entre les activités, les phases d’institutionnalisation impliquent souvent des décalages, observables par les élèves, entre leurs productions et le savoir institutionnalisé. Ce décalage les conduit le plus souvent à considérer que ce qu’ils ont écrit est faux, constitue une erreur, et qu'ils doivent très vite l'oublier, que seule la bonne réponse mérite l'attention. Ils ont pu par exemple faire une prévision qui ne s’avère pas vérifiée ou bien ils n’ont pas utilisé judicieusement le modèle dont ils disposent, ou encore, tout simplement, ils n'ont pas réussi. Leur pratique habituelle et le statut que l’institution scolaire donne à l’erreur les conduisent alors à vouloir faire disparaître cette production. Les élèves effacent, rayent ou jettent leurs brouillons. Pourtant ils se sont investis dans ce travail et en l’absence de retour du professeur, ils considèrent que cet investissement a été inutile. Dans ce contexte, l’importance que l’enseignant donne aux productions des élèves et en particulier aux productions considérées comme fausses est alors primordiale.
Pour l’enseignant, il s'agit souvent gagner du temps et de ménager les susceptibilités en ne s’attardant pas sur les « mauvaises » réponses et en ne valorisant que les réponses considérées comme « justes ». Cependant cette attitude renvoie à l’élève qui s’est trompé une image dévalorisante de lui-même ce qui à terme risque de le conduire à ne plus s’investir dans la réalisation des activités données par l’enseignant voire à devenir agressif envers celui qui ne lui donne systématiquement qu’un retour négatif (voir bibliographie). Il est plus constructif pour l’élève qui s’est trompé d’être pris en compte par l’enseignant, individuellement ou même au sein du groupe classe. Ces raisons, pointées par les psychologues, nous invitent à porter plus d’attention dans notre enseignement au statut de l’erreur ; certains neurobiologistes viennent renforcer cette conviction par les résultats de leurs recherches
Il nous paraît ainsi essentiel que les élèves gardent la trace écrite de cette production, constructrice de sens et qui rend compte (plus ou moins précisément) de leur réflexion. Le fait de retrouver ensuite les traces d’une erreur aide à mieux en prendre conscience. De plus, le fait de revoir une erreur passée fait prendre conscience des progrès. L’enseignant a tout intérêt à insister explicitement auprès des élèves sur cet apport de l’erreur (ou de l’approximation).
Il convient de donner un statut différent à l'erreur, de la valoriser et d'utiliser les idées initiales des élèves publiquement au sein de la classe pour les déconstruire, au moins temporairement, et en tous les cas attirer l'attention sur ces erreurs spontanées ou classiques. L'enseignant veillera à expliquer cet aspect de son enseignement et l'intégrera au contrat de travail entre l'enseignant et les élèves.
Plusieurs moyens peuvent être mis en œuvre pour prendre en charge l'erreur :
- On peut envoyer au tableau plusieurs élèves en même temps qui vont retranscrire leur production, en ayant choisi des élèves qui ont fait des erreurs intéressantes, et débattre avec la classe pour comprendre l'origine de l'erreur et la corriger. Cela veut dire que l'enseignant s'engage à prendre en considération les erreurs et à prendre le temps de les traiter en classe.
- Lors des phases d'écriture, il convient de vérifier que les élèves n’effacent ou ne gomment pas leurs productions mais les commentent ou les annotent (en utilisant une autre couleur par exemple).
- Les activités peuvent commencer par une question qui fait appel à l'intuition et aux idées initiales de l'élève. Pour formaliser ces questions « pièges », on peut utiliser un code pour déculpabiliser l'élève et l'inviter à être spontané. Ces questions peuvent commencer par exemple par « D'après toi ».
Bibliographie :
Astolfi Jean-Pierre (1997) L’erreur, un outil pour enseigner, Paris : ESF éditeur.